Souffrance au travail et burn-out sont en constante augmentation dans les métiers soignants. Cette souffrance a aussi des conséquences pour les patients, parce qu’un soignant en souffrance peut devenir cynique, manquer d’empathie ou commettre des erreurs. Enfin, la souffrance au travail contribue à la pénurie de soignants et au risque de soins dégradés pour les patients. La crise du Covid-19 a agi comme un révélateur des difficultés qui contribuent au burn-out des soignants. Si elle a montré combien les organisations du travail participent à leur souffrance, elle a aussi permis aux soignants de dire cette dernière, restée jusque-là silencieuse car attribuée à une faiblesse individuelle.
C’est pourquoi, la fondation « Ecrire dit-elle » propose un espace pour penser le travail du soin au fil d’un atelier d’écriture pour poursuivre cette libération de la parole, en s’inscrivant dans le courant des éthiques narratives.
Selon les théories de Paul Ricœur et plus récemment de Rita Charon, nous sommes des êtres de récits. Pour construire et maintenir notre identité, il nous faut produire un récit de nous-mêmes qui fasse sens pour nous : c’est ce qui permet le maintien de notre identité dans le temps et face à la variété des expériences vécues. Mais ce récit doit aussi pouvoir s’enchevêtrer dans un récit collectif, À défaut, cela génère de la souffrance. Dans cette perspective, le récit partagé est porteur de la constitution, du maintien et, éventuellement, du rétablissement de l’identité personnelle.
Or, force est de constater que le récit collectif du travail est abîmé par nos nouvelles organisations. Celles-ci reposent sur la standardisation, l’usage de protocoles rigides, l’évaluation individualisée des performances, et imposent aux personnes plus de flexibilité en vue d’une meilleure rentabilité. Dans le milieu du soin, elles ont pour conséquence une érosion du collectif, parce qu’elles créent de la concurrence entre les personnes, entre les services (parfois entre les patients). Elles brisent aussi le temps du soin : celui-ci y est pensé sur le court terme, et les cadences sont accélérées et imposées par une logique extérieure aux besoins des patients et soignants.
C’est pour recréer un espace collectif de récit que je propose l’organisation d’ateliers d’écriture à destination des soignants. Ceux-ci sont conçus comme un outil de résilience et d’accompagnement de la souffrance par le collectif et par le récit.
Après dix années d’exercice dans le domaine de la santé en tant que pharmacienne, par mon expérience de romancière et mes formations en médecine narrative et écriture thérapeutique, je participe actuellement à des sessions de partages de pratiques en médecine narrative, avec différents homologues. Les retours mettent en lumière les effets de telles expériences sur le bien- être professionnel, les compétences narratives et les liens au sein de l’institution.