Journal d’une animatrice
Je suis retournée à la fac cette semaine.
J’ai retrouvé les mêmes ascenseurs en panne, les mêmes couloirs aux murs écaillés, les toilettes condamnées depuis des lustres, le vent qui siffle à travers les fenêtres. Il n’y a pas une machine à café, il n’y a pas de rétroprojecteur dans les salles de cours, mais il reste des étudiants d’une lucidité et d’une maturité remarquable, d’un engagement sincère, lassés d’être déjà les laissés pour compte d’une organisation économique de notre santé, alors qu’ils s’apprêtent à devenir de futurs soignants et que ce n’est pas rien. Je me suis dit que le manque de considération à leur égard commençait là. À l’Université. Avant leur intégration à l’hôpital juste à côté qui tombe en ruines. Avant leurs horaires de dingues comme ils disent. Avant de recevoir les patients qui attendent en file indienne devant leurs portes. Ils auraient envie de prendre le temps pourtant. Ils auraient envie de prendre leur place, juste leur place, dignement. Je suis retournée à la fac cette semaine. Pendant mes années d’études, je déplorais le manque de cours de littérature, de philosophie, d’éthique. Un peu de sciences humaines quoi. La base. Je suis retournée à la fac cette semaine pour y animer des ateliers d’écriture, les bras chargés de bouquins et de poésie. Je leur ai dit, « nous allons prendre ce temps-là ». « Osons, il en restera bien quelque chose ». C’est l’approche de la médecine narrative. Expérimenter l’acte d’écrire et de raconter, pour réinvestir la relation soignant-soigné dans une perspective sensible et critique. Nous avons écrit et discuté : construction de leur identité professionnelle, sens du travail, histoire d’une vocation, accès aux émotions, écoute des histoires des patients, ressentis, rêves et regrets, peurs et espoirs. Je suis retournée à la fac cette semaine. C’était jaune et bleu, comme la ville ce printemps. C’était rouge aussi. C’était plein de vulnérabilité et d’une belle jeunesse, d’envie qu’il ne faudrait pas gâcher.
Pourquoi des ateliers d’écriture à destination des médecins, soignants, étudiants en sciences de la santé ?
Les expériences le démontrent : la médecine narrative permet d’optimiser la relation de soins en améliorant d’une part la construction de l’identité professionnelle des soignants et leurs compétences émotionnelles, et d’autre part leurs capacités d’écoute et d’interprétation des histoires des patients. Cette relation peut ainsi être à nouveau le lieu d’une rencontre : la rencontre de deux singularités.
Faut-il le rappeler ? L’écriture affine le sens de la relation ainsi que la capacité à moduler son expression et à se faire comprendre.
Des ateliers d’écriture créative en milieu de soin ou dans le cadre de la formation de futurs professionnels de santé constituent de vrais espaces privilégiés de découverte, de réflexion, de pensées quant à leur intégrité, le sens donné à la profession, et d’échanges, loin de la solitude des pratiques et du quotidien.
Ces ateliers renforcent la confiance en soi, les potentialités relationnelles (entre pairs et avec les patients) et favorise les capacités d’adaptation et d’écoute devant toute situation.